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1934

est entendu par la commission d'enquête parlementaire à la suite des émeute du 6 février

De Lattre manqua-t-il, en ce début d'année 1934, de la méfiance et de la retenue que devait garder un militaire auprès du commandant en chef, Weygand, que les milieux parlementaires avaient à l'œil ?

 

Dénoncé à la fois à des députés de droite et à des députés de gauche comme ayant joué un rôle dans le drame du 6 février (14 morts, des milliers de blessés chez les manifestants et 1 600 dans les rangs de la police), le collaborateur de Weygand fut convoqué devant une commission d'enquête parlementaire (4)

 

Après l'affaire Stavisky, après de nombreuses émeutes et leur répression, les gouvernements culbutés et les ministres déconsidérés, une idée d'un complot contre la République se faisait jour.

 

Les premiers accusés sont les ligues, mouvements de droite et d'extrême droite qui se sont associées le 6 février pour bousculer les députés. Mais une théorie s'esquisse à trait léger puis de plus en plus ferme. S'il existe un complot n'aurait-il pas été l'oeuvre d'hommes politiques comptant sur les excès de la droite pour se distinguer en rétablissant l'ordre ? Le ministre de l'intérieur Eugène Frot est soupçonné. Or Frot a des liens avec le lieutenant-colonel de Lattre. La rumeur veut que quelques jours avant le 6 février, de Lattre ait fait, au nom de Frot et à deux reprises, des avances au sculpteur Maxime Réal del Sarte, animateur de l'action française, les 31 janvier et 2 février […]

 

Devant les commissions d'enquête parlementaire, les déclarations de De Lattre et celle de Réal del Sarte sont contradictoires. En fin de discussion, les députés embarrassés déclarent l'inccident clos par 19 voix contre 11 (3)

 

Les 19 voix venaient presque uniquement des députés de gauche qui apprirent que de Lattre n'avait jamais voulu s'associer à une manifestation séditieuse. Ce que lui reprochaient les 11 voix de droite était d'avoir accepté de rencontrer l'ex-ministre de l'intérieur radical, Frot. De Lattre fut pris entre deux feux. Accusé par les députés de droite pour ses liaisons avec les milieux radicaux et l'ambassade soviétique, il était soupçonné par des députés de gauche d'entretenir des relations monarchistes et compromettantes (4)

 

 

Le général Weygand a soutenu de Lattre devant le maréchal Pétain qui lui conseillait de l'éloigner : «Je ne juge pas que le lieutenant-colonel de Lattre ait fait de la politique, c'est-à-dire qu'il ait trempé dans des intrigues dans un but personnel. Il a été victime d'une campagne de presse. S'il a été imprudent en se plaisant à des liaisons dangereuses, il vient de recevoir une bien sévère leçon qui portera ses fruits. Je la crois suffisante et j'ai l'intention de conserver cet officier auprès de moi»

 

Les suites de cette ténébreuse affaire atteignirent de Lattre dans sa sensibilité. Cependant des portes s'étaient fermées et les médisances continuaient à courir, certaines n’ayant aucun rapport avec les événements. Il avait fait la connaissance d'un monde dont il ne soupçonnait pas les arcanes. Il n'était pas, à 43 ans, sans quelque expérience de la vie, mais celle d'une vie encadrée, limitée, militaire. Il ignorait tout des intrigues des milieux politiques et des procédés qu'ils pouvaient employer.

 

Ce sera pour Jean de Lattre la fin des illusions. Il n'oubliera jamais l'épreuve que lui avait infligée une société dont il était issu ainsi que les journaux qu'elle savourait. Il se rapprocha davantage du peuple français, s'immergeant dans ces bains de foule et de jeunesse qu'il jugeait vivifiants et salutaires (4)

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